L'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) entre le Canada et Chine entrera en vigueur à la fin du mois, sans débat à la Chambre des communes, sans étude indépendante en comité, et surtout, sans qu'un vote des députés ne soit nécessaire.
Les représentants de Leadnow-À l'Action, l'organisme qui a colligé les signatures, espèrent désormais que le premier ministre Stephen Harper appuiera sur le bouton pause pour permettre un examen plus approfondi de l'entente.
Les détracteurs de l'accord craignent qu'il avantage surtout les investisseurs chinois et qu'il aboutisse à la dilapidation des ressources naturelles canadiennes. Ils en ont particulièrement contre le tribunal d'arbitrage dont les audiences se dérouleront derrière des portes closes.
"Cet accord est particulièrement cachottier et extrême, parce que le processus d'arbitrage est mené dans un secret total, avec seulement des informations minimales sur l'octroi de dommages rendues publiques après coup", a dit le directeur des campagnes de Leadnow, Matthew Carroll.
La chef du Parti vert, Elizabeth May, croit d'ailleurs qu'il ne fait absolument aucun doute que le Canada devra éventuellement faire face, en vertu de cet accord, à des poursuites intentées depuis Pékin. Et ce seront les contribuables canadiens qui devront payer.
Selon la députée, vigoureusement opposée à l'APIE depuis le début, il s'agit du "plus dangereux traité" signé par le Canada à ce jour.
"Nous allons voir les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux regarder derrière eux en se demandant s'ils peuvent adopter des lois protégeant les conditions de travail, protégeant l'environnement ou même améliorant les règles entourant la Loi sur Investissement Canada" sans craindre d'être poursuivis, a soutenu Mme May.
"Nous avons besoin d'un débat, nous avons besoin d'avoir des audiences en comité, nous avons besoin d'entendre des témoins pour connaître les implications de l'APIE", a renchéri le député néo-démocrate Peter Julian.
Ce n'est pas la première fois que le Canada signe ce type d'accord bilatéral. Il a déjà conclu 24 APIE avec des pays comme la Russie et l'Argentine. L'entente avec Pékin se distingue cependant parce que les investissements chinois au Canada sont trois fois plus élevés que ceux des Canadiens en Chine.
Elle survient par ailleurs au moment où la société chinoise CNOOC souhaite acquérir la compagnie pétrolière Nexen, une transaction s'élevant à 15 milliards $.
Réciprocité
En Chambre, le gouvernement conservateur a fait valoir que le traité avait été bien reçu par les investisseurs canadiens.
"En fait, il est pleinement réciproque", a affirmé le ministre du Commerce international, Ed Fast.
"Il a été conçu pour protéger et promouvoir les investissements canadiens en établissant un ensemble de règles claires selon lesquelles les investissements s'effectuent et un ensemble de règles claires selon lesquelles les conflits sont résolus", a-t-il fait valoir.
Mais pour Thomas Mulcair, cette réciprocité est impossible compte tenu des différences fondamentales entre les deux pays.
"Je pense que M. Fast ne comprend même pas le sens du mot réciprocité. C'est d'une absurdité patente que de dire que lorsqu'on traite avec un pays qui n'a pas une économie et un système de gouvernement analogue, qu'on peut parler, en partant, de réciprocité", a tranché le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD).
Les troupes néo-démocrates demandent à présent la tenue d'un débat exploratoire sur la question avant vendredi. M. Fast a de son côté fait valoir que le NPD n'a pas profité de ses journées d'opposition passées pour amener le sujet aux Communes.
L'accord ne prévoit pas de droit de retrait avant une période de 15 ans. Malgré tout, M. Mulcair assure qu'un éventuel gouvernement néo-démocrate se sentirait libre de "réviser" cette entente.
"Une règle de base dans une démocratie parlementaire, c'est qu'un gouvernement ne peut pas lier les mains d'un gouvernement futur", a-t-il souligné.