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Les partis d'opposition prennent différentes voies pour se démarquer

OTTAWA - Pablo Rodriguez se rappelle avec nostalgie l'époque où sa plus grande inquiétude était de savoir s'il serait en mesure d'obtenir l'appui d'au moins un parti d'opposition aux projets du gouvernement libéral minoritaire et de l'aider à survivre aux votes de confiance.

Les épreuves que comporte le poste de leader du gouvernement à la Chambre dans un Parlement minoritaire pâlissent désormais en comparaison avec le défi de garantir que tous les partis _ en fait, chaque député à la Chambre des communes _ donneront leur consentement unanime qui est nécessaire pour accélérer le versement de milliards de dollars d'aide financière visant à aider les Canadiens à survivre à surmonter la pandémie mortelle de la COVID-19.

"Je me souviens de quand j'ai obtenu le poste pour la première fois. Je me suis dit "Eh boy, ça va être difficile, on a toujours besoin de l'appui d'un parti pour adopter une loi", se souvient Pablo Rodriguez, qui s'est vu attribuer le poste de leader à la Chambre à la suite des élections de l'automne au cours desquelles les libéraux de Justin Trudeau n'ont récolté qu'une minorité de sièges.

"Mais ce n'était rien! Aujourd'hui, j'ai besoin de l'appui de t-o-u-s les partis pour faire adopter une législation. Tout le monde."

La crise sans précédent a, en théorie, donné à tous les partis d'opposition, y compris les Verts dont les trois députés sont trop peu nombreux pour que leur formation soit reconnue comme un parti officiel aux Communes, un pouvoir exceptionnel pour façonner le programme du gouvernement et réécrire les lois afin qu'elles soient davantage à leur goût.

M. Rodriguez, qui dit avoir passé 15 heures par jour au téléphone à négocier les détails de trois différents projets de loi d'aide d'urgence avec ses homologues de l'opposition, insiste pour dire que c'est ainsi que ça devrait se passer.

"C'est un effort d'équipe. Il ne s'agit pas de nous, il ne s'agit pas du gouvernement. Il s'agit des Canadiens."

Mais le pouvoir des partis d'opposition est tempéré par l'ampleur même de la crise, qui a provoqué une interruption de l'activité économique, conduisant des millions de Canadiens au chômage et des entreprises à être désespérément à la recherche d'une aide immédiate pour se maintenir à flot. Aucun parti d'opposition ne veut être blâmé pour avoir été un obstacle au déploiement d'une aide d'urgence.

Par conséquent, les conservateurs, les bloquistes, les néo-démocrates et les verts ont tous essayé différentes approches et épousé de nombreuses causes dans le but de demeurer pertinents et de laisser leur marque dans les lois d'urgence, sans finalement empêcher leur adoption. Et chacun à son degré de satisfaction.

La leader parlementaire du Parti conservateur, Candice Bergen, a déclaré que son parti avait abordé les négociations sur le premier projet de loi d'urgence "de bonne foi, sachant que nous devions faire avancer les choses rapidement pour le bien du pays".

Mais l'une des premières versions du projet de loi partagée avec les partis d'opposition accordait "énormément de pouvoirs" _ des dispositions qui ont été immédiatement abandonnées, mais qui auraient donné au gouvernement de vastes pouvoirs pour dépenser, emprunter et modifier les taux d'imposition unilatéralement sans l'approbation du Parlement durant les 21 prochains mois _ et cela a donné le ton aux négociations ultérieures, soutient-elle.

Pourtant, les conservateurs s'attribuent le mérite pour avoir persuadé le gouvernement d'augmenter sa subvention salariale initiale de 10 % à 75 % (un mérite que réclament également d'autres partis), ainsi que d'avoir inséré une disposition afin que les étudiants qui bénéficieront de la prestation d'urgence soient mis en lien avec des employeurs et d'autres améliorations aux projets de loi.

Mais ils n'ont pas réussi à convaincre les autres partis d'opposition, et encore moins les libéraux, de la nécessité de tenir plusieurs séances des Communes en personne chaque semaine pendant la pandémie et cela, selon Mme Bergen, a empêché le Parlement de faire son travail de demander des comptes au gouvernement.

"Nous avons vraiment été exclus du Parlement, lance-t-elle. Nous avons été exclus de ce que le gouvernement faisait. C'est frustrant."

Mais les autres partis d'opposition tirent le maximum de la volonté du gouvernement de collaborer et saluent les améliorations qu'ils ont pu apporter aux projets de loi, même s'ils n'ont pas obtenu tout ce qu'ils voulaient.

"Le Bloc québécois a toujours négocié en collaboration avec le gouvernement afin d'obtenir des gains pour les Québécois", a expliqué Alain Therrien, leader du parti à la Chambre.

Il attribue au Bloc d'avoir veillé à ce que les incitatifs à l'emploi soient inclus dans la prestation canadienne d'intervention d'urgence et d'avoir poussé pour un soutien supplémentaire pour les aînés, en augmentant la pension de vieillesse. Le gouvernement a promis que plus d'aide pour les aînés arriverait, mais ce n'est pas encore le cas.

Le leader du NPD à la Chambre, Peter Julian, note que son parti a poussé le gouvernement à permettre que tous les Canadiens qui ont besoin d'aide puissent en obtenir. Les libéraux ont "clairement indiqué qu'ils ne considéreraient en aucun cas" cette idée, pendant que les néo-démocrates se sont contentés d'essayer de combler certaines des lacunes peu à peu.

Par exemple, M. Julian affirme que le NPD a persuadé cette semaine le gouvernement d'augmenter à 2000 $ la prestation mensuelle destinée aux étudiants ayant des personnes à charge ou qui sont handicapés, plutôt que les 1750 $ proposés au départ.

"Nous obtenons des changements et des améliorations et des millions de personnes qui ne faisaient pas partie du plan initial du gouvernement en bénéficient", dit-il.

M. Julian attribue note aussi que son parti a poussé l'idée de tenir des séances virtuelles de la Chambre des communes dans le but de se donner un forum pour partager ce que vivent de leurs électeurs qui ont jusqu'à présent été exclus des programmes d'aide d'urgence.

Une collaboration

Depuis le début de la crise à la mi-mars, Elizabeth May, la leader parlementaire des Verts, assure qu'elle n'a jamais vu une telle collaboration ou une telle volonté d'admettre ses erreurs et d'accepter les recommandations de l'opposition.

Elle constate qu'il y a eu "un nombre sans précédent d'appels téléphoniques en coulisse", y compris des séances d'information quotidiennes pour tous les députés au cours desquels ils peuvent interroger des responsables gouvernementaux.

"Le Parlement fonctionne mieux parce que nous avons réduit la partisanerie et nous examinons les projets de loi avant qu'ils soient déposés en première lecture, puis nous disons: "Eh bien, nous ne donnerons pas notre feu vert à cela"", a-t-elle déclaré.

"Nous faisons fonctionner la démocratie, en ce qui me concerne."

Mme May freine toutefois les tentatives des autres partis de s'attribuer le mérite des améliorations qui, selon elle, ont été le plus souvent poussées par tous les partis d'opposition, ainsi que par de nombreux simples députés libéraux.

"Les gens qui essaient encore de marquer des points et de lancer des flèches partisanes, je pense, ne prennent pas la mesure de la situation et le public verra qu'ils ne sont pas utiles, ils encombrent le chemin."

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