A LA CHAMBRE
Discours ~ Loi no 2 d'exécution du budget de 2018

M. Peter Julian (New Westminster—Burnaby, NPD):

Madame la Présidente, aujourd'hui, pour commencer, je vais parler du processus entrepris par le gouvernement faisant outrage au Parlement, à propos duquel vous rendrez sous peu une décision. Ensuite, je vais parler de certaines des mesures Potemkines contenues dans le budget. Puis, je conclurai en parlant de ce que ferait le NPD si le projet de loi d'exécution du budget était le sien et des différences que l'on y verrait. Car il est très important que les Canadiens puissent faire cette comparaison.

Premièrement, je vais parler de la taille immense et ridicule de ce projet de loi omnibus record, qui fait 850 pages. On ne peut s'empêcher de qualifier la situation de ridicule compte tenu du nombre de dispositions contenues dans le projet de loi et du temps que nous alloue le gouvernement pour les étudier, lui qui veut les faire approuver à toute vapeur, coûte que coûte.

Puisqu'il est question d'un projet de loi omnibus, il importe de souligner deux choses. La première est que, en réaction à un projet de loi omnibus des conservateurs dont le volume faisait moins de la moitié de celui présenté par les libéraux cette semaine, le ministre de la Sécurité publique actuel a déclaré: « C'est un véritable fouillis, et c'est volontaire. Ce projet de loi a été assemblé en une masse si énorme et alambiquée qu'il est impossible pour un Parlement consciencieux de l'étudier et de l'assimiler intelligemment. » Voilà ce qu'avaient à dire les libéraux à l'époque concernant un projet de loi dont le volume était la moitié de celui que nous sommes contraints d'étudier cette semaine, le pire et le plus imposant projet de loi omnibus jamais présenté au Parlement du Canada.

La deuxième chose, qui est très pertinente, est l'engagement électoral pris par le premier ministre en 2015, alors que les libéraux venaient de passer des années à dénoncer la tendance des conservateurs à présenter des projets de loi omnibus. À bien y penser, même si les Canadiens ont peu de raisons de s'en ennuyer, c'était une belle époque, puisque la taille des projets de loi omnibus des conservateurs faisait peut-être le quart ou le tiers de celui des libéraux que nous étudions présentement. Le premier ministre actuel avait alors dit:

Nous n'userons pas de subterfuges législatifs pour nous soustraire à l'examen du Parlement

M. Harper s'est également servi des projets de loi omnibus pour empêcher les parlementaires d'étudier ses propositions et d'en débattre convenablement. Nous mettrons un terme à cette pratique antidémocratique en modifiant le Règlement de la Chambre des communes.

Les libéraux n'ont pas mis un terme à cette pratique antidémocratique. Comme le savent les députés, nous sommes maintenant saisis du plus gros, du pire projet de loi omnibus de l'histoire de la Chambre. Quelles en seront les conséquences?

Comme je l'ai mentionné plus tôt, je me suis efforcé cette semaine d'obtenir, au nom des Canadiens, la réponse à une question bien simple: quel est le nombre d'articles et de paragraphes contenus dans le projet de loi? Je l'ai demandée aux fonctionnaires du ministère. Je l'ai demandée au comité. Je l'ai demandée au secrétaire parlementaire. Aucun d'entre eux n'a pu répondre à cette simple question sur le nombre d'articles et de paragraphes contenus dans ce projet de loi massif.

C'est pertinent, car les libéraux avaient prévu seulement 13 heures pour l'examen législatif de ce projet de loi en comité et seulement quelques heures pour le débat à la Chambre des communes. Donc, si l'on parle, comme certains l'estiment, de 5 000 articles et paragraphes, alors les députés peuvent faire le calcul.

Un élément important du travail des députés est d'étudier, de débattre et d'évaluer les projets de loi pour veiller à ce qu'ils accomplissent leurs objectifs et à ce qu'ils ne regorgent pas d'erreurs, comme cela s'est vu par le passé, lorsque des tribunaux ont rejeté des mesures bâclées. Lorsque le Parlement fait mal les choses, cela coûte des dizaines de milliers de dollars aux contribuables. Donc, j'ai posé ma question à de nombreuses reprises, mais je n'ai pas reçu de réponse.

Cependant, si l'estimation se situe à 5 000, les libéraux nous accordent neuf secondes par article ou paragraphe. Ils nous accordent neuf secondes pour examiner, neuf secondes pour entendre des témoins, neuf secondes pour commenter chacun de ces innombrables articles et paragraphes. C’est absolument ridicule, irresponsable et méprisant envers le Parlement et notre travail de parlementaires. Les libéraux devraient stopper le bulldozer législatif pour donner aux députés la possibilité de faire le travail pour lequel ils sont payés.

Ce matin justement, au comité des finances, j’ai posé des questions sur un seul paragraphe, mais je n’ai pas pu obtenir de réponse. De gros changements sont proposés relativement au secteur de la bienfaisance: essentiellement, un organisme de bienfaisance ne serait plus considéré comme tel s’il consacre des ressources à des activités indirectes de soutien d’un parti politique ou d’opposition à un parti politique.

J’ai posé une question très simple. J’ai demandé si cela signifiait que, dans le cas d’une fondation dans le domaine de l'environnement qui ne serait pas d’accord du tout avec le gouvernement libéral sur l’énorme oléoduc qu'il a acheté, cette position constituerait une opposition directe à un parti politique. Je n’ai reçu aucune réponse. Ce sera apparemment l'Agence du revenu du Canada qui tranchera. Nous espérons recevoir les renseignements voulus au comité des finances au cours des prochains jours.

Cependant, il ne s'agit là que d'un des paragraphes. Nos neuf secondes sont déjà écoulées et nous avons découvert une ambiguïté manifeste qui pourrait avoir d’importantes répercussions sur le secteur de la bienfaisance. Malheureusement, il n’y a pas eu de réponse, mais on passe à autre chose.

Neuf secondes par article ou par paragraphes, voilà qui dénote un mépris flagrant du Parlement et du travail des parlementaires. Je dirais que présenter un projet de loi massif de cette nature, un projet de loi qui comporte tant de changements fondamentaux, qui traite du régime fiscal et qui a des répercussions sur le secteur de la bienfaisance, c'est mépriser les Canadiens. Que les libéraux n’accordent que neuf secondes à chaque article et paragraphe dépasse l’entendement et va carrément à l'encontre de qu'ils ont promis en 2015.

En 2015, les libéraux ont dit qu’ils feraient mieux que Stephen Harper. Or, ils sont bien pires pour ce qui est des projets de loi d’exécution du budget massifs, qu’ils condamnaient quand ils étaient l’opposition. Cela n’a pas lieu d’être, pas du tout.

Qu'est-ce qu'il y a dans le projet de loi C-86? Il y a plusieurs projets de loi. En lisant les titres, on se dit qu'il y a peut-être des choses intéressantes, dont l'équité salariale, par exemple. Au Parlement et dans les comités de la Chambre, nous avons insisté sur cet aspect-là depuis des années. Malheureusement, les femmes du pays seront obligées d'attendre encore des années. Les membres du Comité voulaient connaître leur opinion par rapport à cela. Toutefois, puisque le Comité ne dispose que de neuf secondes par section du projet de loi pour faire son étude, il sera impossible d'entendre les témoignages qui portent sur le fond de la question.

Il y a plus encore dans le projet de loi. Il y a, par exemple, la loi sur la prise en compte de l'égalité des sexes et de la diversité dans le processus budgétaire, la loi sur le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres, la loi visant à soutenir l'aide financière internationale et la loi concernant la réduction de la pauvreté. Tous ces projets de loi ne correspondent pas aux ressources qui devraient être investies pour atteindre les objectifs.

Il s'agit d'un projet de loi vide de sens. Il n'y a pas les ressources et les investissements nécessaires si on veut faire plus que donner un titre à ces projets de loi. Il y a au moins sept projets de loi qui devraient être discutés et examinés séparément, mais le gouvernement refuse de le faire. Le gouvernement veut faire adopter ce projet de loi même si nous n'avons pas assez de temps pour étudier en profondeur toutes ces questions.

Il y a un autre aspect à cela. Je fais un retour sur le passé parce que c’est un point important.

Grigori Potemkine était un membre de la cour russe. Quand l’impératrice Catherine visitait une succession de villages, il faisait ériger des villages Potemkine, qui sont d'ailleurs devenus une expression de la langue anglaise, ainsi que dans de nombreuses autres langues, y compris le français. À cause de la pauvreté incroyable des paysans russes et de la grave pénurie de toutes sortes de services ou de soutiens dans les zones rurales, il érigeait temporairement ces villages trompe-l’œil. Une fois que le carrosse de l’impératrice Catherine était passé, il les démontait pour les faire ériger dans le village suivant.

C’est justement ce que nous voyons avec le budget, qui contient un certain nombre de projets de loi Potemkine. On parle de choses importantes, comme la réduction de la pauvreté, l’égalité entre les hommes et les femmes et le soutien financier international, mais cela n’est associé à aucune ressource. Le premier ministre, un peu comme l’impératrice Catherine, parlera aux Canadiens au cours des prochains mois de ces merveilleux projets de loi qu’il a déposés, mais ceux-ci ne sont pas accompagnés des ressources requises. Rien ne vient étayer le sens des mots et des titres des projets de loi inclus dans cette mesure omnibus massive.

Les Canadiens vivent la plus grande crise de la dette familiale de l’histoire de notre pays et même de tout le monde industrialisé. Le Canada est parmi les derniers pays de l’OCDE sur le plan de la dette familiale. Les familles croulent sous les dettes parce que les Canadiens sont forcés de payer leurs médicaments et que le coût du logement monte en flèche alors que leurs salaires ont stagné sous le gouvernement précédent et le gouvernement actuel. Compte tenu de l’ampleur de la crise de la dette familiale, mes électeurs et moi-même vivons la plus grande crise que notre pays a connue pour ce qui est du manque de logements et de l'itinérance. Des aînés, des étudiants et des familles ne sont pas capables de maintenir un toit au-dessus de leur tête parce que le prix du logement a monté en flèche, et le gouvernement fédéral, depuis l’élimination du programme national de logement, n’a rien fait pour construire des unités de logement, mettre des toits au-dessus de la tête des gens, pour que les familles puissent s’installer, être confortables et ne pas se sentir déchirées en devant choisir entre payer la nourriture, le loyer, les médicaments ou le chauffage pendant l'hiver canadien, un des plus froids de toute la planète.

Au milieu de cette crise de la dette familiale et du logement, voilà que le ministre des Finances nous présente une série de projets de loi Potemkine pour le premier ministre, tout comme Grigori Potemkine érigeait des villages trompe-l’oeil pour l’impératrice Catherine. Rien de tout cela n'a une incidence significative sur la vie des gens.

Nous espérons que l’équité salariale aura un véritable impact. C’est une chose pour laquelle le NPD a lutté pendant des années, mais cela semble encore être très loin à l’horizon. Nous ne pourrons pas prendre le temps, au comité, de déterminer comment cette portion du projet de loi pourrait être améliorée, parce que les libéraux allouent — on a peine à y croire — neuf secondes par article ou paragraphe pour leur examen. C’est ridicule.

N’importe qui dans les rues de notre pays dirait qu'il est incroyable qu’un gouvernement qui a accédé au pouvoir en disant qu’il mettrait fin à de telles pratiques a, en réalité, fait deux ou même trois fois pire que Stephen Harper en termes de mépris envers le Parlement et de dépôt de projets de loi fourre-tout qui ne peuvent être examinés correctement et minutieusement.

C’est une coquille vide. C’est un projet de loi massif. Il a des répercussions sur le secteur de la bienfaisance et toute une gamme d’autres domaines, mais le temps alloué pour l'étudier est microscopique et nos questions ne reçoivent pas de réponses franches, ce qui signifie qu’en fin de compte les libéraux pourront réussir à forcer l’adoption du projet de loi. Les Canadiens ne peuvent pas se réjouir de cela, parce qu’aucun examen législatif ne pourra se faire. De plus, la question que j’ai posée maintes et maintes fois cette semaine sur le nombre d'articles demeure sans réponse. Nous ne parlons pas d’une question piège. Elle est très simple. C’est une question que j’ai posée dans le cas de presque tous les projets de loi que j'ai eu la responsabilité d'examiner. Dans tous les cas, elle m’a été répondue. Cependant, cette fois-ci, en ce qui concerne ce projet de loi de 850 pages, la réponse tarde à venir.

Que ferions-nous? Comment Jagmeet Singh et le NPD présenteraient-ils un projet de loi d’exécution du budget? Premièrement, nous ne lancerions pas une brique de 850 pages à la Chambre des communes pour la faire adopter en à peine quelques jours.

Les néo-démocrates sépareraient les projets de loi, même si ce sont encore des projets de loi Potemkine, pour qu’ils puissent être correctement examinés. L’équité salariale mérite un examen et des témoignages de groupes de femmes et de syndicats qui en ont été les défenseurs depuis des années. Ces gens méritent d’être entendus, mais en auront peu l’occasion parce que les libéraux ont l’intention de faire adopter le projet de loi par la force.

Nous séparerions ces projets de loi et les soumettrions à un examen. Nous nous réunirions tard dans la nuit. Comme les députés le savent, nous sommes considérés comme étant les abeilles ouvrières du Parlement. Nous essayons de faire nos devoirs. Nous faisons de notre mieux pour nous acquitter de notre mandat d’examen et proposer de meilleures solutions pour les lois du gouvernement. Cela a toujours été le cas pour nous à la Chambre. Nous espérons que, bientôt, les Canadiens choisiront un autre rôle pour nous, celui de gouvernement du Canada. Dans l’intervalle, en tant que deuxième parti de l’opposition, nous continuerons à occuper ce rôle important.

Si c’était notre projet de loi d’exécution du budget, il serait scindé. Nous examinerions des projets de loi différents. Nous accorderions suffisamment de temps pour un bon examen.

Surtout, si c’était notre projet de loi d’exécution du budget, chacune des initiatives serait accompagnée de ressources réelles. Les néo-démocrates se seraient attaqués à l’équité fiscale de sorte que nous puissions, avec assurance, sentir que tous les Canadiens payent leur juste part. Nous avons entendu maintes et maintes fois au cours des audiences prébudgétaires que les entreprises sont sujettes à une concurrence injuste de la part de géants du Web étrangers qui viennent chez nous, raflent les dollars de publicité et ne contribuent pas d’un cent à l’économie canadienne. Rien n’a été fait à ce sujet. Aucune action n’a été prise relativement aux paradis fiscaux à l'étranger qui nous coûtent des dizaines de milliards de dollars.

Les libéraux peuvent s’attendre à être embarrassés, parce que dans quelques mois à peine, le directeur parlementaire du budget publiera son analyse. Il a finalement obtenu, après cinq ans de lutte d’abord avec les conservateurs puis avec les libéraux, qu’il a menacés de traîner devant les tribunaux, les renseignements dont il avait besoin de l’Agence du revenu du Canada pour pouvoir mesurer l’écart fiscal. Dans quelques mois, nous connaîtrons l’écart fiscal, l’argent qui va dans les paradis fiscaux à l'étranger et aux géants du Web. Ce sera embarrassant pour les libéraux de n’avoir pris aucune mesure à cet égard. Ils n’ont aucune crédibilité sur ce plan.

Les néo-démocrates investiraient dans le logement tout de suite. Comme les députés le savent, j'ai participé à une conférence de presse un peu plus tôt, cette année, aux côtés de notre chef, Jagmeet Singh. Au cours de cette conférence de presse, nous avons dit que nous devions passer à la vitesse supérieure et investir 2 milliards de dollars dans le logement, qui se trouve dans une situation critique. Les personnes âgées et les étudiants sont laissés pour compte. Nous devons nous faire en sorte que ce genre de logements soit disponible tout de suite.

Nous investirions aussi dans les garderies et l'assurance-médicaments. Ce ne sont pas juste des investissements intelligents pour la qualité de vie des Canadiens. En matière d'égalité des sexes, l'absence d'un programme de garderies contredit toute prétention que le gouvernement pourrait avoir en ce qui concerne son supposé féminisme. S'il ne met pas en place un programme de garderies, le gouvernement ne pourra pas prétendre qu'il travaille pour l'égalité des sexes dans ce pays. Les garderies permettent aussi à nos entreprises d'être concurrentielles. Elles contribuent à la bonne santé de notre marché du travail.

Il y a toute une série de raisons qui expliquent pourquoi il est sensé sur le plan autant économique que social de mettre en place des choses comme les garderies et l'assurance-médicaments. Comme on le sait, nous payons des milliards de dollars de trop en ce moment pour des médicaments dont les Canadiens ont besoin. Il y a beaucoup de Canadiens qui ne sont même pas en mesure d'obtenir leurs médicaments parce que nous n'avons pas de régime universel d'assurance-médicaments. Si les néo-démocrates présentaient aujourd'hui un projet de loi d'exécution du budget, celui-ci inclurait cette mesure, de sorte que les Canadiens n'aient plus peur de ne pas pouvoir prendre les médicaments dont ils ont besoin parce qu'ils n'en ont pas les moyens.

Les néo-démocrates investiraient dans les soins de santé et dans l'éducation. Nous sommes le parti des soins de santé; nous l'avons toujours été. C'est notre premier chef, Tommy Douglas, qui a créé le système de santé public et universel dans ce pays. Nous fournirions les fonds nécessaires pour maintenir cette institution vivante, au lieu de la laisser mourir à petit feu, comme les conservateurs et les libéraux l'ont fait.

Les néo-démocrates veilleraient à ce qu'on prenne soin des Canadiens, parce que c'est ce qui est le mieux pour eux. C'est aussi le mieux pour notre économie et c'est le mieux pour le Canada.

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