A LA CHAMBRE
Discours sur C-331 à la première heure du débat au parlement

Affaires émanant des députés

M. Peter Julian (New Westminster—Burnaby, NPD) propose que le projet de loi C-331, Loi modifiant la Loi sur les Cours fédérales (promotion et protection des droits de la personne à l’échelle internationale) soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir au sujet du projet de loi C-331, Loi modifiant la Loi sur les Cours fédérales, pour la promotion et la protection des droits de la personne à l'échelle internationale.

Au cas où des députés mettraient en doute la nécessité de présenter à la Chambre des communes un projet de loi comme celui-ci, j'aimerais signaler quelques affaires qui sont directement visées par ce projet de loi. Comme les députés le savent, il y a des sociétés canadiennes qui mènent des activités à l'étranger. Nous vivons dans une économie mondialisée, c'est indéniable. Dans le secteur des mines en particulier, beaucoup de sociétés minières canadiennes fonctionnent de manière très efficace et humaine, dans le respect des droits de la personne.

Il existe toutefois un certain nombre de pommes pourries: des sociétés minières canadiennes qui n'agissent pas dans l'intérêt public ou qui ne respectent pas les droits fondamentaux de la personne. C'est pourquoi ce projet de loi est absolument nécessaire. En outre, plus de 50 organismes nationaux, qui représentent plus de 1 million de Canadiens, ont demandé aux députés d'appuyer ce projet de loi et de voter en faveur de celui-ci. Il s'agit notamment d'éminents organismes de protection des droits de la personne et d'importantes organisations syndicales de partout au pays. Ils estiment que le Parlement doit adopter ce projet de loi dans l'intérêt public. Ils sont d'avis que cette mesure législative est nécessaire.

Le débat sur ce projet de loi commence aujourd'hui et se poursuivra au cours des prochaines semaines. Il est temps que les députés prennent une décision cruciale pour que le Canada défende les droits de la personne et devienne un modèle en la matière à l'échelle internationale. Hélas, ce n'est pas le cas. Pour s'en convaincre, il suffit de citer quelques exemples parmi tant d'autres d'entreprises qui n'ont pas pu être traduites devant les tribunaux canadiens à cause de l'absence des mesures prévues dans le projet de loi C-331. Parmi les dizaines de cas connus, j'aimerais en citer quelques-uns qui sont importants et qui témoignent de l'ampleur du problème.

En général, les Canadiens croient de tout coeur aux droits de la personne. La population canadienne comprend pourquoi nous devons défendre ces droits, que ce soit ici ou à l'étranger. Or, les quelques exemples déplorables que je m'apprête à donner devraient suffire à convaincre les Canadiens que les députés doivent absolument adopter le projet de loi C-331.

Commençons par Nevsun Resources. Cette minière fait actuellement face à des accusations de complicité pour travail forcé, esclavage et torture contre des travailleurs de la mine d'or, de zinc et de cuire Bisha, en Érythrée. Les travailleurs en question ont été réduits à l'esclavage, ceux qui refusaient d'obéir étaient battus et torturés. Tout cela dans une mine qui entretenait des liens avec le Canada. Les Canadiens n'ont pas besoin qu'on leur explique que nous devons adopter la mesure législative que voici afin que ces victimes puissent obtenir réparation.

Passons maintenant à Hudbay Minerals, qui exploite une mine au Guatemala. Sur les installations mêmes de la mine, les agents de sécurité qui travaillent pour la filiale locale de Hudbay ont ouvert le feu sur l'enseignant et militant anti-minières Adolfo Ich Chaman, qu'ils ont abattu, et sur un jeune manifestant du coin, German Chub Choc, qui dénonçait les activités de la mine et qui en est demeuré paralysé. Ils se sont aussi rendus coupables des pires atrocités sexuelles contre 11 femmes de la région. Aucun Canadien ne cautionnerait ce genre d'abominations. Sans exception, les Canadiens seraient d'avis que les auteurs de ces crimes doivent être traînés en justice et que les victimes méritent d'être indemnisées pour la terrible manière dont leurs droits fondamentaux ont été violés.

En 2017, Everlyn Guape et Joycelyn Mandi sont venues au Canada pour dénoncer les atrocités sexuelles et les actes de violence en général qui sont perpétrés sur les terrains de la mine exploitée conjointement par Barrick Gold en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Elles ont donné comme exemple le village de Porgera. Des gardiens de sécurité de la mine sont allés dans ce village. Les villageois s'étaient exprimés sur les activités d'exploitation minière et, plus particulièrement, sur l'épouvantable destruction de l'environnement qu'elles entraînaient. Dix-huit maisons ont été incendiées complètement, les gens du village ont été battus et des actes de violence sexuelle effroyables ont été commis. Ces deux témoins qui sont venues au Canada ont dit que 80 % des femmes des localités situées à proximité de la mine avaient été victimes d'un nombre épouvantable d'actes de violence sexuelle. Aucun Canadien ne jugerait une telle chose acceptable. Toute la population canadienne serait d'avis que les parlementaires doivent agir.

Il y a quelques années seulement, au Salvador, un militant environnemental qui avait dénoncé les activités minières canadiennes a été retrouvé mort au fond d'un puits; on lui avait arraché les ongles. Nous avons entendu parler de dizaines de cas de militants ayant osé s'exprimer contre des activités d'exploitation minière qui ont été portés disparus ou ont été victimes d'une exécution extra-judiciaire. Aucun Canadien ne penserait que ce genre de chose est acceptable. Voilà pourquoi il est primordial d'adopter le projet de loi C-331. Ce dernier établirait les motifs et les mécanismes permettant aux victimes d'intenter des actions devant la Cour fédérale du Canada et de demander à être indemnisées dans ces cas de terribles violations des droits de la personne.

Le projet de loi contient 17 articles portant sur les motifs justifiant des poursuites devant la Cour fédérale du Canada, notamment la violence sexuelle systémique, les exécutions extrajudiciaires, la torture, l'esclavage et la destruction gratuite de l’environnement. Au Canada, on estime que tous ces motifs justifient un cadre judiciaire rigoureux. Nous estimons que les Canadiens qui violent les droits de la personne et qui détruisent gratuitement l'environnement devraient être traduits en justice. Nous devons faire preuve de la même clairvoyance relativement à nos activités à l'étranger.

La plupart des entreprises canadiennes travaillent en respectant les normes acceptables au Canada, mais d'autres ne le font pas. C'est pourquoi il faut adopter cette mesure législative. Nous pourrions ainsi garantir que tous les habitants de la planète touchés par les activités d'une entreprise canadienne bénéficient d'un processus leur permettant de demander une indemnisation. Il s'agirait d'une norme exemplaire. De plus, cette mesure législative permettrait aux entreprises canadiennes partout dans le monde de dire que les Canadiens demandent à leurs entreprises et à leurs sociétés de respecter des normes plus élevées que les autres pays. De façon très concrète, ce projet de loi améliorerait la réputation des Canadiens à l'étranger et il dissuaderait quiconque tente de salir la réputation du Canada en participant aux violations des droits de la personne les plus répréhensibles.

Je tiens à remercier les coauteurs de cet important projet de loi historique: Nick Milanovic, professeur adjoint à la Faculté de droit de l'Université Carleton, et Mark Rowlandson, éminent avocat spécialisé en droit du travail et adjoint du directeur national du Syndicat des Métallos au Canada. Aujourd'hui, M. Rowlandson observe le débat du haut de la tribune, et je crois qu'il mérite la gratitude des Canadiens pour le travail qu'il a accompli.

Il s'agit d'un projet de loi important. Le projet de loi C-331 va mettre fin à la période actuelle, où des compagnies canadiennes peuvent agir sans égard pour les conséquences sur les droits de la personne.

Il répond vraiment à toutes les questions relatives au viol systémique, au meurtre, à l'esclavage et à la torture.

Toutes ces questions ont été soulevées quand on a regardé les opérations des compagnies canadiennes à l'extérieur du Canada. Ce projet de loi répond réellement à toutes ces questions. Le projet de loi donne l'occasion aux victimes de violations des droits de la personne à l'extérieur du pays de poursuivre ces compagnies canadiennes devant la Cour fédérale du Canada et de recevoir la compensation qu'elles méritent. Cela donne au juge l'occasion de juger. Pourquoi, dans certains pays, ces victimes n'ont-elles pas l'occasion d'entamer ces poursuites dans leur pays d'origine? La réponse est très claire: c'est parce que le système judiciaire n'est pas bien développé, c'est parce que le système judiciaire est corrompu. La police, dans certains pays, est payée directement par les opérations des compagnies. Ainsi, elle n'est pas impartiale et elle est incapable de renforcer les droits de la personne que nous connaissons au Canada.

L'adoption du projet de loi va enfin permettre à ces victimes d'obtenir justice, ici, au Canada. C'est pour cette raison que c'est tellement important d'adopter le projet de loi. Plus d'une cinquantaine d'organisations nationales importantes, des organisations qui œuvrent pour les droits de la personne, militent aussi pour les droits des travailleurs et des travailleuses. Toutes ces organisations sont d'accord sur le principe voulant que les députés d'ici décident et adoptent ce projet de loi.

Ce projet de loi va véritablement encadrer le meilleur exemple de politiques de droits de la personne à l'échelle internationale. Le Canada peut être un meneur. Le Canada peut être le premier au monde à mettre en place quelque chose qui sera vraisemblablement regardé par d'autres pays. Il faut dire que le Canada n'est pas le seul pays à envisager ce type de mesure législative. D'autres pays le font aussi. En Europe, on fait la même chose. Si on se penche sur l'origine de ce projet de loi, on voit qu'il s'inspire d'un projet de loi qui existe aux États-Unis. Le Canada peut être le premier et il peut être le meneur à l'échelle internationale.

Aujourd'hui, il y a plus de 50 organismes nationaux représentant plus d'un million de Canadiens qui demandent au Parlement du Canada d'adopter cette importante mesure législative. Le nombre d'organismes augmente. Il est actuellement de 56 et nous nous attendons à ce que, d'ici quelques jours, il passe à 60 ou 70. Je ne vois pas pourquoi nous voterions contre. Ceux qui s'opposent à ce type de mesure législative disent qu'elle ne relève pas du cadre constitutionnel du gouvernement fédéral. Nous avons sollicité, à ce sujet, des avis qui indiquent qu'elle est constitutionnelle et qu'elle s'inscrit sans nul doute dans le cadre du gouvernement fédéral.

Certains diront peut-être que l'annonce, il y a quelques semaines, de la nomination d'une conseillère spéciale signifie que cette question est réglée. Je ne peux qu'être en désaccord. La nomination de l'ombudsman et conseillère spéciale a été critiquée par plusieurs organismes importants, dont les métallurgistes et le Réseau canadien sur la reddition de compte des entreprises. Tous disent que ce bureau n'a pas les pouvoirs nécessaires. Le fait est que, de toute façon, même si nous avons un solide ombudsman — et, au NPD, nous croyons certainement que nous devrions en avoir un — cela ne ferait que compléter les importantes dispositions du projet de loi C-331.

Cette mesure législative fera date. D'autres pays attendent de voir la décision que prendra notre Parlement pour aller de l'avant avec une mesure législative progressiste sur les droits de la personne qui mettrait le Canada au premier plan dans ce domaine, et j'espère que les députés voteront en faveur de cette importante mesure législative.

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