A LA CHAMBRE ~ Discours sur le budget 2018 - C-74

M. Peter Julian (New Westminster—Burnaby, NPD) :  

Monsieur le Président, je voudrais parler de la grosseur et de la portée du projet de loi C-74. Commençons par la grosseur. Il y a déjà quelques années que je suis ici, comme beaucoup de mes collègues, et nous nous rappelons les pires années du gouvernement Harper, lorsque des briques de 300 ou 400 pages retontissaient à la Chambre des communes.

     Ces projets de loi omnibus, dans le cadre des mesures d’exécution du budget, visaient parfois quelques dizaines de domaines et toutes sortes de mesures législatives. Il s'agissait d'une tactique délibérée et antidémocratique conçue pour cacher au public canadien ce que renfermait réellement le projet de loi d’exécution du budget. Bien sûr, nous avons dénoncé haut et fort la situation, comme de nombreux Canadiens d’ailleurs, considérant qu’il s’agissait d’une démarche fondamentalement antidémocratique de la part du gouvernement, 300 ou 400 pages touchant 24 ou 25 lois différentes. Les objectifs du budget étaient cachés de façon très concrète.

    À cette époque, nous représentions l’opposition officielle. Cependant, les libéraux, qui constituaient le troisième parti à la Chambre, accusaient eux aussi continuellement le gouvernement Harper de déposer des projets de loi omnibus antidémocratiques. Mes collègues se souviennent sûrement d’avoir entendu les députés libéraux souligner l’esprit profondément antidémocratique dans lequel le gouvernement de l’époque déposait des briques de 300 ou 400 pages qui regroupaient 24 ou 25 projets de loi. Les Canadiens n’avaient aucun moyen de savoir ce que contenait vraiment la loi d’exécution du budget. Il y manquait la clarté et la transparence que l’on s’attendrait à trouver dans une telle loi, probablement la plus importante qu’un gouvernement puisse déposer devant les parlementaires, qui sont élus par les citoyens de notre pays pour se réunir afin de discuter des activités de la nation avec transparence et dans un esprit démocratique. Ce document législatif est l’un des plus importants de tous.

     Mes collègues comprendront donc ma profonde consternation quand les libéraux ont déposé leur loi d’exécution du budget il y a à peine deux ou trois semaines. Nous nous étions déjà trouvés devant des lois d’exécution du budget de 300, 350, 400 et même parfois 450 pages abordant 27, 28 et même 29 projets de loi très divers.

     Les libéraux nous avaient promis des voies ensoleillées totalement transparentes. Nous nous souvenons tous des promesses que le premier ministre a prononcées en 2015. Il nous assurait que les libéraux suivraient une méthode de gouvernance complètement différente, qu’ils respecteraient la démocratie et qu’ils instaureraient un processus électoral différent pour nous débarrasser du système majoritaire uninominal à un tour. Les libéraux nous ont aussi répété très clairement et très souvent qu’ils ne présenteraient jamais de projets de loi omnibus.

     Et que nous déposent-ils ici? Le plus gros projet de loi omnibus de toute l’histoire canadienne. Nous avons devant nous un projet de loi de 556 pages visant à modifier non pas 28, 29 ou 30 lois différentes, mais bien 44 mesures législatives. Il contient près de 100 pages de plus que le plus long des projets de loi omnibus que nous ayons vus dans le passé et que les libéraux ne cessaient de critiquer et d’attaquer. Nous avons 100 pages de plus que ce que les conservateurs nous servaient. Les libéraux viennent de battre le record du premier ministre Harper par 100 pages. Nous avons devant nous la loi d’exécution du budget la plus grosse, la plus volumineuse et la moins transparente de toute l’histoire canadienne.

     Il n’y a pas d’autre façon de le dire. Les libéraux viennent de trahir profondément tout ce qu’ils affirmaient en 2015, toutes les promesses qu’ils ont faites aux Canadiens cette année-là, toutes les allocutions que le premier ministre et les autres députés libéraux ont prononcées à la Chambre des communes pour nous assurer qu’ils ne déposeraient jamais de projets de loi omnibus. La taille de celui-ci est incroyable. Nous n’avions jamais vu cela, 550 pages! Il est plus volumineux que ce que le gouvernement Harper n’ait jamais réussi à produire. C'est à ce point-là.

       Vous ne serez donc pas surpris, monsieur le Président, si pendant les jours qui viennent nous continuons à vous présenter cette requête, parce que, dans votre rôle de Président de la Chambre des communes et au nom de tous les Canadiens, vous avez le pouvoir de scinder ce projet de loi omnibus afin de créer des projets de loi distincts sur lesquels nous pourrons voter séparément. Ce pouvoir, monsieur le Président, est sacro-saint et crucial. Quand le gouvernement refuse d’écouter les requêtes des Canadiens, quand il refuse d’agir avec transparence et dans un esprit démocratique, le Président de la Chambre des communes a le pouvoir d’intervenir. Pendant les jours qui viennent, nous vous demanderons et vous supplierons d’intervenir. C’est profondément important.

     Nous entreprenons l’étude de l’une des lois d’exécution du budget les plus cyniques jamais vues, tant pour sa taille que pour sa portée. Avant d’entrer dans les détails, j’aimerais d’abord parler de la situation actuelle de la grande majorité des Canadiens, parce qu’elle revêt une grande pertinence dans le débat que nous allons avoir au cours des prochains jours. Bien loin des voies ensoleillées dont le premier ministre se plaît à parler dans ses multiples déplacements autour du globe, les Canadiens ont de la difficulté à joindre les deux bouts dans une mesure peut-être sans précédent, qui se situe bien au-delà des dépressions et des récessions que nous avons connues par le passé. Nous faisons maintenant face à une nouvelle réalité dont le gouvernement aurait dû tenir compte.

     Cette nouvelle réalité, c'est que la famille canadienne moyenne a maintenant la dette familiale la plus élevée de l’histoire du Canada, en dollars indexés. La famille canadienne moyenne est aux prises avec une dette encore pire que pendant la Grande Dépression ou les diverses récessions. Elle fait face à un endettement massif qui dépasse de beaucoup ses recettes annuelles. C’est ce fardeau de la dette qui fait en sorte qu’il est si difficile pour de nombreuses familles au pays de joindre les deux bouts.

     La famille canadienne moyenne survit actuellement grâce au travail temporaire ou à temps partiel. Même si le ministre des Finances intervient à la Chambre pour dire combien la situation est reluisante, les emplois qui sont créés ont tendance à être temporaires. Il ne s’agit pas d’emplois capables de soutenir une famille du genre de ceux que le NPD a toujours préconisés et que nous espérons encore fermement créer. Toutefois, pour cela, il faut des investissements, de la prévoyance et de la planification, qui font cruellement défaut au gouvernement actuel.

     Lorsque nous examinons la situation de la famille canadienne moyenne, ainsi que la hausse des prix des maisons et des loyers, nous constatons que l’itinérance et le coût du logement dépassent l’entendement. La dette est considérable et continue de croître. Pour la plupart des Canadiens, le travail temporaire ou à temps partiel, ou le cumul d’une série d’emplois à temps partiel, est le seul moyen de gagner leur vie.

     C’est dans ce contexte que se situe le budget, un contexte dont le gouvernement aurait dû tenir compte davantage. Les libéraux ont plutôt choisi de déposer le projet de loi omnibus le plus imposant et le plus fondamentalement antidémocratique de l’histoire du Canada, qui fait 100 pages de plus que tout ce qu’a pu déposer M. Harper, mais de façon tellement timide que la portée du budget en est amoindrie.

     Il s’agit d’une loi d’exécution du budget profondément cynique, parce qu’elle se situe bien en deçà du budget, qui était déjà très timide, ce qui fait que nous devons nous pencher sur quelque chose qui manque extrêmement d’audace du point de vue des objectifs visés. Parallèlement, elle est fondamentalement antidémocratique étant donné l’ampleur de tout ce qu’elle contient.

     Qu’est-ce qui aurait pu figurer dans cette loi d’exécution du budget, de même que dans le budget proprement dit? Nous en avons discuté à de nombreuses reprises. J’en ai parlé lors d'une conférence de presse à laquelle je participais avec Jagmeet Singh, chef national du NPD, un homme très charismatique et énergique, et nous avons donné des indications au gouvernement fédéral quant à ce qu’il devrait intégrer au budget, y compris le traitement des iniquités fiscales, qui constitue l’un des éléments les plus importants. Je suis aussi intervenu dans une lettre au ministre des Finances, avec le député de Nanaimo—Ladysmith, qui joue un rôle extrêmement efficace au Parlement, dans laquelle nous parlions d’égalité entre les sexes.

       Lorsque nous examinons ce que comprend ce budget, nous ne voyons absolument rien en ce qui a trait à l’équité fiscale. Des dizaines de milliards de dollars partent à l’étranger, et le gouvernement refuse de limiter ces montants ou de prendre quelque mesure que ce soit. En fait, le gouvernement actuel a dans sa mire la signature d’un plus grand nombre de ces conventions fiscales odieuses, qui sont essentiellement des traités d’exemption fiscale avec des paradis fiscaux notoires comme Antigua, la Barbade, Grenade et les îles Cook. Les conservateurs avaient conclu de telles conventions à maintes reprises, mais les libéraux vont encore plus loin.

     Les libéraux n’ont rien fait pour résoudre le problème de l’échappatoire fiscale qu’offrent les options d’achat d’actions, une mesure abominable qui, au cours de la dernière année, selon les chiffres que nous avons, a permis à 75 chefs d’entreprises fortunés d’empocher 6 millions de dollars chacun, pour un coût total d’un demi-milliard de dollars pour les contribuables canadiens. Il s’agit de 6 millions de dollars en moyenne pour chacun des 75 chefs d’entreprises les plus riches au Canada qui se sont servis de cette échappatoire. Jagmeet Singh et moi-même avons fait part de nos commentaires au ministre des Finances et au premier ministre en indiquant que cela doit cesser. Les libéraux auraient pu choisir de mettre fin à cette échappatoire et de prendre des mesures concernant le problème des paradis fiscaux. Toutefois, ils n’ont rien fait. Ils autorisent ce privilège, ce transfert de richesse que nous constatons, et la croissance des inégalités au pays, au point que la richesse du tiers de la population canadienne équivaut à celle de deux milliardaires canadiens. Cette situation a été mise au jour il y a quelques mois et continue de se répercuter sur les Canadiens ordinaires, qui perçoivent l’inégalité du régime fiscal. Ils voient un régime fiscal conçu pour être profondément inégal et, évidemment, ils réagissent, parce que les libéraux et le premier ministre ont promis, lors de la dernière campagne électorale, de prendre des mesures contre la prolifération des paradis fiscaux et le régime fiscal profondément injuste qui fait que les gens de métier, les petits propriétaires d’entreprises, les infirmières ou les camionneurs paient leur juste part d’impôt, alors que le dirigeant de l’une des sociétés les plus importantes et lucratives au Canada n’a pas à se préoccuper de cela.

     Comme les députés le savent, le Centre canadien des politiques alternatives évalue maintenant le taux marginal réel d'imposition des plus grandes sociétés canadiennes à moins de 10 %. Il se situe à 9,8 % en moyenne. Il y a beaucoup de sociétés qui ne paient pas d'impôt du tout. Toutefois, le taux d'imposition moyen est maintenant de 9,8 %, ce qui est beaucoup moins élevé que pour les particuliers, qui travaillent fort tous les jours pour mettre du pain sur la table, qui voient leurs services s'éroder et qui participent à un régime fiscal parfaitement et profondément injuste.

     C'est un problème qu'aurait pu régler le projet de loi d'exécution du budget, mais il ne contient rien à ce sujet.

    On s'attendrait à ce qu'il y ait des dispositions provenant du budget dans la loi d'exécution du budget. C'est ce dont j'aimerais parler à l'instant.

     Lorsque nous parlons de la portée de la loi d'exécution du budget, il y a deux choses qui nous viennent immédiatement à l'esprit. La première est la question de l'assurance-médicaments. J'ai parlé à maintes reprises à la Chambre de mes concitoyens, comme l'ont fait mes collègues. Nous avons tous soulevé des cas précis pour expliquer pourquoi il est important d'avoir un régime d'assurance-médicaments au Canada. D'abord, en tant que pays, nous payons trop cher, et de nombreux Canadiens doivent choisir entre mettre du pain sur la table et payer leurs médicaments. Jim, que j'ai cité à plusieurs reprises, se trouve à l'extérieur d'ici, près de la rue Wellington, et mendie chaque jour pour amasser les 580 $ dont il a besoin chaque mois pour payer les médicaments qui le maintiennent en vie. Comme il n'y a pas d'assurance-médicaments, Jim et tant d'autres comme lui sont obligés de faire ce terrible choix.

    À l'instar du directeur parlementaire du budget et de tous les experts qui ont analysé cette question, nous estimons que l'adoption d'un régime d'assurance-médicaments est logique à bien des égards. Dans l'ensemble, cela permettrait aux Canadiens d'économiser de l'argent et nous permettrait de faire baisser le coût des médicaments. Cela réduirait les coûts pour certaines petites entreprises qui paient globalement jusqu'à 6 milliards de dollars par année pour des régimes d'assurance qui permettent à leurs employés d'avoir accès aux médicaments.

       Par conséquent, pour toutes ces raisons, il était logique de mettre en place un régime d'assurance-médicaments. Au cours des semaines qui ont précédé le dépôt du budget, on n'a cessé de nous répéter que le gouvernement libéral mettrait en place un régime d'assurance-médicaments et qu'il fallait demeurer aux aguets, car ce budget volerait la vedette au NPD. Nous sommes heureux qu'on nous vole nos idées; nous n'aimons tout simplement pas que les libéraux se figent devant nos idées, parce que cela veut dire qu'ils ne les mettent pas en Å“uvre, ce qu'ils devraient pourtant faire. Ils devraient mettre en place un régime d'assurance-médicaments dès maintenant. C'est ce qu'ils devraient faire.

     Nous avons vu, dans le budget, qu'au lieu de faire quoi que ce soit de pratique pour régler la question de l'assurance-médicaments, les libéraux ont promis une étude, et c'est tout. Il n'y avait rien de plus. Par conséquent, la portée de la loi d'exécution du budget est un échec retentissant lorsqu'on parle de la mise en place de programmes importants.

     Nous arrivons maintenant à la question de la parité entre les sexes. Ma collègue de Nanaimo—Ladysmith a défendu ce dossier de manière éloquente. Nous avons également abordé la question avec le ministre des Finances et le premier ministre avant le dépôt du budget. Le budget proposait quelques idées pour promouvoir l’équité salariale. C’est ce que nous avons vu et avons lu. Oui, le gouvernement allait enfin mettre en oeuvre l’équité salariale, après des décennies.

     J’ai ensuite parcouru frénétiquement les 556 pages du projet de loi omnibus le plus volumineux et le plus redondant de l’histoire canadienne à la recherche d’un indice démontrant que les libéraux avaient vraiment l’intention de mettre en oeuvre l’équité salariale, mais je n’ai rien trouvé, pas un mot à ce sujet. Les libéraux l’ont pourtant promis dans le budget, mais ils ont déjà manqué à leur promesse en déposant la loi d’exécution du budget quelques semaines plus tard. C’est incroyable. De leur propre aveu, c’était pourtant un dossier sur lequel il était temps d’agir. Ce n’est pas comme s’ils avaient essayé de réduire le budget avant de le transposer en loi d’exécution du budget. Dans ces 556 pages, les libéraux ont mis tout ce qu’ils pouvaient, mais ils ont décidé d’omettre l’équité salariale, un enjeu qui figurait pourtant dans le budget et qui aurait pu être inclus dans la loi d’exécution du budget; cela aurait été une façon respectueuse et démocratique de remplir la promesse faite dans le budget, mais il n’y avait absolument rien à ce sujet. Voilà une autre promesse non respectée, un autre échec. C’est consternant.

     Ã€ en juger par l’ampleur de la loi d’exécution du budget, nous en déduisons que cette loi contient une foule de choses qui n’auraient jamais dû y figurer et que nous vous demandons de supprimer, monsieur le Président, afin de garantir le caractère démocratique de cet exercice, même si le gouvernement ne semble pas vouloir le respecter; inversement, certaines mesures qui auraient dû s’y trouver sont tout simplement absentes de la loi. Voilà pourquoi cette loi d’exécution du budget est un échec.

     Ce projet de loi est tellement irrespectueux. Les libéraux ont renoncé à tout ce qu’ils affirmaient défendre en 2015. Nous avons tous entendu leurs promesses selon lesquelles ils allaient faire fonctionner le Parlement et le rendre plus transparent et démocratique. Pour chaque promesse faite à la population en 2015, nous constatons que les libéraux font exactement le contraire dans le projet de loi omnibus le plus volumineux et le plus redondant de l’histoire canadienne, qui n’a pas déposé par les conservateurs de Harper, malgré tous leurs défauts, mais bien par le gouvernement libéral du premier ministre. Quelle déception pour les Canadiens qui espèrent l’équité salariale depuis des décennies. Quelle déception pour les Canadiens qui attendent depuis des décennies l’assurance-médicaments afin de ne plus avoir à quêter de l’argent pour payer leurs médicaments ou à choisir entre payer le loyer ou payer leurs médicaments. Au nom de tous les Canadiens des quatre coins du pays qui souhaitaient voir le gouvernement adopter une approche différente, je peux assurer que nous sommes profondément déçus de cette loi d’exécution du budget.

Par conséquent, nous voterons contre le projet de loi C-74.

 

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